Légaliser l’euthanasie, note sur l’actualité mortifère en France

Par Sébastien Renault

Les contradictions

Peut-on bien, d’un côté, prétendre vouloir prévenir le suicide (des jeunes et des moins jeunes, un vrai problème de société aggravé par les effets du covidisme [1]) ; et, de l’autre, chercher à le rendre expressément légal à travers la promulgation de l’euthanasie ? Au cours des 2 500 dernières années de civilisation fondée à la fois sur les traditions de l’héritage mosaïque, grecque et chrétien, l’euthanasie a été interdite au nom de motifs relevant aussi bien de la loi naturelle que de la déontologie médicale la plus rigoureuse. Pourquoi ce débat a-t-il lieu aujourd’hui dans les pays occidentaux où la médecine est omniprésente et les traitements – thérapeutiques, curatifs et palliatifs – plus nombreux que jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité ? Y aurait-il de la manipulation et de la contradiction dans l’air ?

Le prétexte de la compassion

La montée de plus en plus pressante d’une euthanasie décriminalisée doit évidemment nous faire réfléchir sur la mise en place alternative de structures fonctionnelles de soins palliatifs. En l’état actuel des choses, les soins palliatifs sont marginalisés, méconnus et/ou relégués au second plan dans la mesure où ils sont, par nature, moins expéditifs et donc plus contraignants et coûteux que l’éradication assistée. Plus fondamentalement encore, la décriminalisation d’une pratique si unanimement proscrite par la sagesse ancestrale des valeurs les plus universellement sacrées doit nous faire réfléchir et résister activement au projet civilisationnel que laisse entendre et poindre à l’horizon une telle conception de la fin de vie au XXIe siècle. Contrairement à ce qu’affirment un certain nombre de personnes conditionnées par une vision subjective du « bien » supposé de la légalisation de la pratique euthanasiste (en finir avec la souffrance), une telle pratique ne peut pas ne pas impliquer des répercussions graves et profondes sur la société dans son ensemble, dans la mesure où elle vient modifier l’un des principes les plus irrévocables de notre compréhension de la civilisation et de notre mode de fonctionnement sociétal. Il n’est ni permis ni acceptable de se tuer les uns les autres, pas même par miséricorde (imaginaire) ou au motif que la compassion « obligerait » à mettre fin à la souffrance des gens. Je profite donc de l’espace de ce texte, une courte note sur cet aspect de l’actualité mortifère en France, pour m’inscrire en faux contre l’idéologie euthanasiste et ses arguments peu crédibles, et m’en explique dans ce qui suit.

Les faux ressorts du narratif euthanasiste

Les deux grandes lignes du narratif euthanasiste aujourd’hui, à l’heure du grand théâtre républico-démocratique en France sur la question (déjà tranchée) de sa légalisation, sont simplement celles qui en ont plébiscité la mise en œuvre (active et passive) dans d’autres pays (et quelques états américains) dits « progressistes » (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Espagne, Colombie, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) :

  • L’euthanasie serait une réponse empreinte de compassion à la souffrance des malades en phase terminale ; souffrance considérée, selon ce narratif « compassionnel », comme ne pouvant être soulagée par d’autres moyens.
  • Elle constituerait une affirmation de notre capacité personnelle à faire des choix « en toute liberté » de disposer de son corps – liberté curieusement mise à mal, avec le consentement de personnes en parfaite santé, lorsqu’il s’agissait de soumettre le monde entier (au nom de la sacro-sainte « santé ») à la prise d’une certaine injection à ARN messager dont on sait très bien ce qu’elle vaut en réalité ; mais que l’on retrouve postulée au demeurant comme premier fondement justificatif de la fausse neutralité morale du choix de détruire le corps d’autrui (un enfant conçu) par détermination IVG-iste. Liberté donc dont on voit la définition et la mise en œuvre varier selon les sujets sociétaux abordés et les objets de son exercice.

Malgré les innombrables arguments émotionnels mis en avant par les médias et au moyen de campagnes de propagande gouvernementale en faveur de l’interruption volontaire de ses propres jours par quelque patient, la réalité des faits atteste que la « souffrance insupportable » prétextée comme une espèce de dogme indiscutable selon la première ligne de l’argumentaire euthanasiste, n’est pas ce motif « inattaquable » qui motiverait la demande euthanasique à titre optionnel légalisé.

Aller encore plus loin

La réalité volontairement occultée par les partisans de la légalisation du crime que constitue toute forme d’euthanasie est qu’elle conduit les gens, en pratique, non seulement à la réclamer ; mais encore, dans la mesure du possible, à la pratiquer sans véritables entraves à l’égard des malades et des mourants. La logique de pareille légalisation médicale du suicide par mort infligée ne peut qu’engendrer la mise en œuvre de ces possibilités larvées d’aller encore plus loin dans la justification criminelle « au nom du bien » (du soulagement). Une composante trop peu soulignée du programme en faveur du suicide assisté consiste notamment, dans cet esprit, à légitimer le recours à l’éradication, y compris sans consentement, des personnes âgées ou des personnes atteintes de quelque handicap permanent très lourd (en particulier dans les cas, largement répandus aujourd’hui, de patients atteints de maladies neuro-dégénératives). Impossible donc de découpler l’euthanasie de cette sinistre logique pragmatiste d’obédience eugéniste. Rappelons que le Canada trudeauiste a déjà commencé à promouvoir et à étendre l’accès à l’euthanasie aux patients souffrant simplement d’une maladie mentale (dépression, troubles bipolaires et de la personnalité, etc.) [2]. Au Canada trudeauiste encore, les pauvres qui n’ont pas les moyens de vivre sont, dans certains cas, poussés au suicide assisté pour « soulager le système ».

La violence et le mensonge sous couvert de signalement vertueux progressiste

Le schéma philosophique dont hérite une certaine idéologie ambiante relative au problème et au sens de la souffrance (et de sa fausse « solution » euthanasiste) se rattache notamment, pour faire plus que court ici, à l’optimisme moral d’obédience rousseauiste et à l’ensemble de l’entreprise du naturalisme, d’abord résolument fondée sur la négation de la réalité surnaturelle et du sens religieux de l’existence de l’homme. Par-delà la vision du monde naturaliste et de l’ontologie areligieuse qu’elle sous-tend (que celle-ci soit matérialiste ou spiritualiste), l’idéologie actuelle de la maximisation du plaisir, de la satisfaction narcissique de son soi sociétal (par le truchement dominant du monde de la virtualité) et de tout ce qui entre dans la mise en œuvre du néolibéralisme techno-financier sans frontière vient modifier de manière considérable le degré de tolérance, de force d’âme et de compréhension qu’ont la plupart des Occidentaux vis-à-vis des souffrances simplement inéluctables de l’existence. Plaisir idéologisé et idéalisé, nominalisme wokiste « éducatif » (endoctrinement poly-genré), deshumanisation plastique induite par les divers « drivers » virtuels au service du projet transhumaniste : tout est fait pour soumettre l’homme contemporain à la violence dictatoriale de l’idéologie « progressiste » sociétale, sous les couverts mensongers du « droit à ne pas souffrir » (à satisfaire tous ses desiderata imaginaires et contre-nature). Rien de nouveau sous le soleil satanique de ce « meilleur des mondes » cauchemardesque. La vente de ce rêve libertaire délirant vise à instiller l’illusion que l’on pourrait échapper à la souffrance imposée par les contraintes objectives de la réalité par le jeu politique en place, un peu comme on le fait croire dans les systèmes orientaux de vision du monde dualiste où l’on prétend échapper à la souffrance par l’ « illumination spirituelle ».

De son côté, ce triste sire et fourbe de Macron, qui ne fait avancer son jeu politico-autocratique que sur les deux registres du mensonge et de la violence, saura ici, comme de coutume, manier l’orwellisme à la perfection, en prenant le visage de ce signalement vertueux et condescendant de l’altruisme si fétide des prétendues « élites » mondialistes. De grâce, que les gens ne tombent pas dans le panneau.

Le « dernier recours » : au service de l’expédience technocratique   

Comme toujours, il incombe à toute personne encore suffisamment honnête et rationnelle d’appeler un chat un chat, dès lors de ne pas laisser quelque idée et élément de langage traduisant celle-ci à quelque fin politique prétendument « noble » l’emporter, en s’y substituant, sur le domaine du réel. L’euthanasie et toutes les variantes plus ou moins nuancées du « suicide assisté » sont des mesures de mort infligée, que la demande émane du patient lui-même ou des personnes – membres de sa famille et du personnel médical (ou même de quelque dispositif d’intelligence artificielle [3]) – censées l’ « assister » (le conditionner) vers la ratification d’un « choix libre » de destruction irrévocable de lui-même, acte spécieusement conçu comme un « droit fondamental » (ce qu’il n’est pas). Cette « option compassionnelle » peut être proposée, sous couvert de soin, afin de supprimer la souffrance (une recherche érigée en fin absolue dans nos sociétés hédonistes assumées), les contraintes (potentiellement très lourdes) de la prise en charge du patient, ou encore le coût financier du traitement médical de cette prise en charge. D’aucuns prétexteront le bien-fondé de ces belles raisons utilitaristes à en promouvoir l’accès universel, donc à l’inclure dans l’ordre des fondements sur lesquels il faudrait, apparemment, repenser notre civilisation.

Une base indépassable

Comme il est de coutume à notre époque, la dénaturation et l’inversion de la réalité reposent en premier lieu sur l’infestation du langage par des mots et des images soigneusement choisis pour prendre le contrôle de l’esprit collectif. Une technique bien huilée. Les ingénieurs sociaux ne sauraient y déroger, qu’il s’agisse de suicide assisté ou d’autres projets ordonnés au « dépassement » de l’anthropologie (notamment dans ses caractéristiques religieuses d’inspiration chrétienne) – comme si l’on pouvait intelligemment penser l’anthropologie autrement que sur une base indépassable… On en arrive donc effectivement à faire accepter aujourd’hui à un grand nombre que le fait de pouvoir aider autrui à s’infliger la mort puisse être assimilable à une forme de « traitement médical » autorisé, « à raison », par le corps légiférant d’un pays civilisé.

Le déni de réalité

L’euthanasie, ce déni de l’interdit de tuer – interdit, rappelons-le, d’abord d’ordre divin –, est un moyen que Macron et sa clique ne font que ramener aujourd’hui sur le devant de la scène de la politique publique en France pour, en premier lieu, faire des économies sur l’hôpital (expédience capitaliste oblige, il faut rapidement libérer des lits). Au-delà de ce pragmatisme technocratique typique de cette engeance exécrable, l’euthanasie est encore et surtout une affaire d’anthropologie complètement déchristianisée (sur fond d’idéologie à la fois individualiste et étatique, ce qui en souligne l’autocontradiction foncière).

L’héritage du covidisme hypnotique et policier

Les partisans d’un certain fanatisme antichrétien toujours prêts à dégainer plus vite que leur ombre ne devraient pas se laisser emporter par la colère lorsque des arguments contre la pratique euthanasique sont avancés à la lumière de l’enseignement religieux. Nous leur rappellerons que l’euthanasie contrevient également aux codes d’éthique médicale qui existent depuis l’antiquité. Le serment d’Hippocrate, prêté par les médecins lors de la remise des diplômes depuis le Ve siècle avant J.-C., leur proscrit expressément tout acte visant à aider leurs patients à mourir. Certes, le piétinement de ce serment par un certain nombre de représentants de la communauté médicale est devenu monnaie courante sous régime covidique hypnotique et policier. N’y soyons pas pour autant résignés. Luttons pour le respect de l’éthique médicale.

Une pathétique mascarade

La supposée « convention citoyenne » reflète une manipulation de l’opinion en vue d’orienter la conclusion visée par les idéologues au pouvoir (toujours selon le même schéma d’apparence « démocratique »). L’orientation est telle que, jouant sur les émotions des gens, sur la peur de la souffrance et sur la fausse perception qu’on aurait un « droit » de « choisir » (comme le réclament pareillement les pavloviens IVG-istes), une certaine majorité se laisse malheureusement émouvoir et tromper à des fins anthropologiquement sordides et simplement budgétaires. C’est bien la finance déifiée, non pas la noble revendication d’un « accroissement des libertés individuelles », qui porte l’euthanasie et le suicide assisté au rang de solution et de pratiques légitimes, acceptables et, malheureusement, de plus en plus acceptées… Quelle pathétique mascarade, quelle moquerie et quelle marchandisation à l’endroit de l’homme et de l’épreuve universelle de son passage inévitable par la mort, à l’issue d’un parcours de souffrances, elles aussi inévitables en cette vie transitoire.

L’extension inéluctable

L’extension de l’euthanasie au-delà des limites qu’elle s’est officiellement fixées n’est pas seulement une possibilité très claire, mais bien une trop sinistre réalité partout où elle est se pratique déjà légalement. Il n’existe pas de société au sein de laquelle l’euthanasie et le suicide assisté restent un « dernier recours » pour les seules personnes atteintes de maladies en phase terminale (chose, en soi, déjà récusable). Ce « dernier recours » s’insinue toujours petit à petit dans les mœurs (décadentes) de la société toute entière, jusqu’à son entérinement en tant que pratique aussi acceptable et vulgarisée qu’un avortement ou que quelque autre choix personnel « neutre ». Se soumettre à cette énième tromperie du pouvoir, sous prétexte de compassion au nom menteur, c’est se soumettre à l’idéologie post et transhumaine de l’expédience technocratique au programme du Forum économique mondial. Refusons cette tromperie, refusons le mensonge euthanasiste !

Choisir entre déchéance légale et pierre angulaire morale

Il est symptomatique que le débat public porte sur la question de savoir s’il est légitime ou non de réviser la loi pour légaliser l’euthanasie, plutôt que sur la question de savoir si une telle pratique est, ou non, une option moralement bonne et justifiée dans des cas particuliers. Pour quiconque ferait profession de matérialisme, autrement dit d’une conception de l’existence de l’homme entièrement réductible à la fonctionnalité corporelle, la question est entendue et se veut finalement logique dans sa résolution : entérinons l’euthanasie pour en finir au plus vite lorsque le corps (conçu comme un phénomène purement matériel) commence à décliner irréversiblement, avec les souffrances que cela tend à impliquer lorsque la maladie prend effectivement le dessus.

Le corps et l’âme, chez chrétiens et musulmans

Par contraste, pour tous ceux qui comprennent la contradiction irréductible et l’impossibilité du postulat matérialiste, la logique euthanasiste ne saurait être suivie aveuglement dans cette marche mortifère se concentrant sur l’évitement, à tout prix, de la souffrance. Pour les chrétiens (comme d’ailleurs pour les musulmans), n’en déplaise à l’esprit du monde et à celui de ce temps particulièrement porté au syncrétisme d’une « spiritualité » sans religion, le rapport au corps n’est pas celui d’un propriétaire envers quelque objet dont on dispose à son gré, sans restriction ni responsabilités premières par rapport à sa capacité de délectation et de bien-être naturel. Le rapport au corps comme à un temple consacré à la divinité (cf. 1 Cor 6, 19-20), pose la signifiance spirituelle du corps tout entier, puisqu’il n’est tel qu’en tant que corps animé (animatum corpus), c’est-à-dire de corps déjà spiritualisé par l’âme immatérielle qui l’in-forme. L’homme (religieux par nature) est en effet cette créature rationnelle destinée à réaliser la jonction sym-bolique (du grec συμ-βολή) entre le monde visible (d’en bas) et le monde invisible (d’en Haut), étant le pont (l’être par définition pontifical) entre le monde de la composition anthropologique âme-corps et le monde angélique incorporel. D’où le sens réel de l’ascétisme religieux, impliquant la mortification des sens (via, notamment, la pratique pénitentielle du jeûne), particulièrement en périodes de Carême ou de Ramadan, chez les chrétiens et les musulmans respectivement.

Désacraliser à tout  prix

En fin de compte, derrière l’appât du gain étatique et derrière la volonté, érigée en « droit de mourir dans la dignité », de contourner les conditions difficiles du passage par la mort, il apparaît bien que l’objectif, moins avoué mais plus infus de cette libéralisation de l’euthanasie, se concentre de plus en plus sur la désacralisation (d’inspiration à la fois épicurienne, matérialiste et trans-humaniste) de l’anthropologie pérenne et religieuse.

Droit et liberté

Une jurisprudence gouvernementale peut bien conférer une légalité plus ou moins fabriquée et arbitraire à quelque chose d’objectivement criminel, ce qu’est bien l’euthanasie. Un homme est certes libre de mettre fin à ses jours quand il l’entend, par l’interruption volontaire de ses fonctions vitales, c’est-à-dire par le suicide. Cela ne signifie nullement qu’il ait le droit de le faire effectivement (ce « droit » n’existe tout simplement pas), encore moins qu’il ait le droit d’obliger quelqu’un d’autre, un médecin ou quelque personnel soignant, de le faire à sa place.

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[1] https://www.thegatewaypundit.com/2023/03/tragic-37-year-old-italian-swimmer-reportedly-took-his-own-life-after-a-long-period-of-suffering-due-to-covid-vaccine-reaction/.

[2] https://www.psychiatrictimes.com/view/first-do-no-harm.

[3] https://fr.euronews.com/next/2023/04/01/belgique-un-homme-pousse-au-suicide-par-lintelligence-artificielle.

 

Avortement et crises multiples aux États-Unis, par Sébastien Renault (5 novembre 2022)

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