Le premier droit et devoir naturel des femmes : être des femmes.

Notre amie Maria Poumier, dans sa toute dernière contribution portant sur la défaite démographique et spirituelle de l’Occident signée par la constitutionnalisation de l’avortement, a très pertinemment dressé le schéma féministe typiquement associé à la revendication du « droit » à l’extermination in utero dans le cadre de l’anthropologie sociale de notre société d’abord marchande – comprenant une certaine vision de la femme, Sébastien Renault 2023du statut de l’enfant conçu (et de ses organes prélevés, collectés, trafiqués, commercialisés et recyclés), de la carrière, des loisirs, etc. C’est, au demeurant, ce que met très bien en exergue l’ouvrage collectif Marchandiser la vie humaine, dont il est question dans la contribution susmentionnée.

De manière somme toute paradoxale, ce que les néo-féministes aujourd’hui semblent presque entièrement occulter de leurs revendications polarisées sur une notion malléable et souvent romancée du « droit » en matière d’autonomie corporelle (il suffit de penser à ce que de nombreuses militantes de celle-ci, en matière d’IVG-isme, ont pu par ailleurs décréter lorsqu’il s’agissait de la désavouer face à l’obligation « vaccinale »[1]), c’est que les femmes ont un premier droit naturel (doublé, du même coup, d’un premier devoir naturel), en plus de celui de préserver la vie conçue en leur sein maternel, à savoir celui d’être des femmes. Chose qui, a priori, devrait parfaitement cadrer avec les aspirations et les valeurs d’une vision dite « féministe » de la femme. Or, la distorsion induite par le modèle anthropologique plastique qui s’est finalement imposé dans nos sociétés occidentales, fait qu’il est aujourd’hui apparemment « normal » que des femmes, aussi féministes soient-elles, se fassent passer pour des hommes – ou pour toute autre catégorie dite « non-binaire » d’identification sexuelle imaginaire –, puisque la sexualité n’est plus censée être ontologiquement ancrée dans la réalité première d’une spécificité biologique irréductible.

Au demeurant, comment un tel « féminisme », existentialiste à outrance, ne porterait-il pas préjudice aux femmes elles-mêmes, lorsqu’il s’emploie en premier lieu à les persuader, en cédant à la pression sociale ambiante d’inspiration « wokiste » :

  • que leur corps biologique ne serait qu’une construction sociale limitant leur capacité à agir librement (si du moins elles devaient s’y conformer, astreintes dans des rôles « stéréotypés », notamment de femmes et de mères au foyer) ;

et

  • que prendre une pilule abortive (comme on prendrait une gélule vitaminée) afin d’être « plus performante » sur le marché du travail et finalement se frayer une place au sommet de la pyramide carriériste masculine, constituerait le summum de la liberté acquise par les femmes (devenues, à toutes fins pratiques, des hommes de substitution) au prix d’un long et douloureux combat contre l’hégémonie patriarchale ?

De telles contradictions mettent en évidence les fondements douteux sur lesquels s’appuie la perspective féministe à la faveur du « droit » à l’avortement, sans parler de sa « constitutionalité » aujourd’hui en cours d’entérinement.

Revenons sommairement sur ce que nous appelons les « fausses légitimations » de l’IVG-isme, pour souligner, en nous appuyant sur de très simples arguments rationnels, à quel point la constitutionnalisation de l’avortement repose sur une vision de la femme et de son enfant à naître dépourvue des justifications habituellement avancées – avancées de nouveau et en premier lieu aujourd’hui par des voix parlementaires et malheureusement très nombreuses à la faveur, non seulement du droit, mais encore de la constitutionnalité supposée de l’avortement[2], comme s’il s’agissait d’évidences désormais incontestables.

L’invocation des « cas extrêmes »

Les tenants de l’IVG-isme sont, par exemple, toujours très avides de justifier leur positionnement par le recours aux cas statistiquement exceptionnels d’enfants conçus à la suite d’un viol ou d’un inceste. Si l’on suit la logique de leur raisonnement, qui ne manquera pas d’être rabâché à tout bout de champ, l’enfant à naître, en raison des conditions criminelles dans lesquelles il aura ici été conçu, mérite la peine de mort, sans autre forme de procès… Il faut simplement s’en débarrasser, l’accidentalité criminelle de sa conception en fait un véritable pestiféré intra-utérin, en quelque sorte l’héritier de l’infamie et de la culpabilité de son indigne géniteur. Point final.

Cependant, le droit premier à la vie ne saurait découler de la manière et des conditions sociobiologiques dans lesquelles nous sommes conçus par nos parents, Dieu merci. Pareillement, la réalité de notre participation ontologique à la nature humaine ne saurait découler du statut post ou intra-utérin de notre existence au monde. Un être humain n’est pas moins humain dans le ventre de sa mère qu’une fois qu’il en a été expulsé. L’humanité d’une personne ne dépend donc pas de sa localisation spatiale vis-à-vis du ventre de sa mère. La dégénérescence de l’esprit contemporain se trouve telle qu’il nous faut faire l’effort de réitérer ces vérités de base afin de lui permettre de se les réapproprier. La réactualisation de ce débat a le mérite de le permettre.

Il n’est donc pas difficile d’établir ce que le viol et l’avortement ont d’essentiel en commun, à savoir : que tous deux sont des actes de violence aigue perpétrés contre une victime innocente : d’un côté une femme, de l’autre un enfant à naître. L’extermination par avortement d’un enfant biologiquement conçu d’une relation forcée ne fait que perpétuer et empirer ce modèle de violence et de victimisation initié dans l’acte ignominieux du viol. Elle se présente donc comme une fausse solution inspirée d’une fausse sagesse – proférée à l’envi par les tenants dits « modérés » de la loi Veil – pour les femmes ainsi tragiquement bafouées au plus intime de leur féminité.

Face à cette pseudo-logique légitimatrice, la question pertinente nous semble ici la suivante : pourquoi chercher et promouvoir davantage de dégradation humaine et de violence meurtrière, en plus du crime initial ? Le viol n’est-il pas à lui seul un affront délictuel suffisamment infâme et dégradant ? Faut-il encore y ajouter le charcutage intra-utérin d’un enfant absolument innocent, c’est-à-dire le meurtre pur et simple d’un être sans défense ni culpabilité (car, est-il besoin de le préciser, l’enfant conçu d’un viol n’est pas le violeur lui-même) ?

L’invocation « économique » : supprimer in utero pour prévenir la pauvreté ex utero

Nombre de défenseurs de l’avortement et de sa constitutionalité s’entendent à ressasser qu’il est parfaitement acceptable qu’une femme choisisse de « mettre un terme à sa grossesse » si elle estime ne pas avoir les ressources nécessaires à la prise en charge de l’existence post-utérine de son enfant conçu. Il s’agit de l’argument dit « économique ». Supprimer in utero pour prévenir la pauvreté ex utero. On a là une version faussement compassionnelle d’un raisonnement d’inspiration strictement eugénique. Comme si la maladie, le handicap, ou la misère économique (réelle ou anticipée) privaient les gens de leur droit à la vie ! L’application extra-utérine de cette pensée matérialiste-utilitariste voue cette dernière à ses propres conséquences objectivement barbares et inhumaines. Les malformations génétiques, l’invalidité (physique, mentale, psychique), les limitations économiques… aucun de ces fléaux n’atteint à la dignité fondamentale de ce qu’est un être humain. S’il est donc objectivement criminel et barbare de supprimer un homme après sa naissance sur pareils critères eugéniques, alors il est tout aussi objectivement criminel et barbare de supprimer un homme avant sa naissance sur le fondement des mêmes critères. À moins bien sûr de dénier à l’enfant conçu l’humanité, sous (faux) prétexte qu’il ne serait qu’un « produit cellulaire de la conception ».

Manipulation sémantique et IVG-isme

La déformation de la signification des mots et leur réappropriation à des fins idéologiques particulières est une pratique hautement perfectionnée à l’heure du paradigme politico-médiatique de la « communication avant tout ». Le monde du langage idéologique, on le voit à travers les différents discours accompagnant les crises contemporaines à répétition, n’entretient plus de rapports proprement sémantiques avec le domaine de la référence extralinguistique. Les mensonges s’accumulent, les antinomies sémantiques pullulent, les illusions de sens ou encore l’obscurcissement de la véritable référence des mots s’immiscent dans les discours autorisés des « communicateurs » professionnels. Les errements à la fois logiques et embryologiques de l’IVG-isme s’incarnent en quelque sorte dans ce type d’utilisation du langage, de déformation sémantique et de masquage des réalités inconfortables qu’il lui faut dérober à l’attention de la conscience ambiante, comme il s’entend à dérober des regards l’effroyable réalité de l’avortement[3], pour promouvoir sa vision du monde post-morale, eugénique, et marchande.

Un langage qui se réfère à son propre cadre conceptuel pour être à la source définitionnelle de sa propre signification est un langage de type que nous appellerons « idéologique », pour simplifier, tout en restant suffisamment précis. Les langages idéologiques sont porteurs de connotations politico-sociales aptes à véhiculer une idéologie spécifique (le covidisme, le climatisme, l’IVG-isme lui-même, l’ukrainisme otanien, etc.). L’auto-référentialité est la caractéristique de fond de ces types de langages auto-renforçants, décorrélés des faits, donc du domaine de la référence extralinguistique, c’est-à-dire de la réalité qui déborde toujours la communication.

Les langages idéologiques se construisent autour de concepts ou de notions que leurs adeptes sauront faire se référer principalement à d’autres concepts ou notions internes au système idéologique lui-même, plutôt qu’à des réalités externes imposant un donné particulier, et par conséquent une définition irréductible. Cela génère une sorte de boucle auto-référentielle permettant à la signification de se maintenir en interne. C’est ainsi que le « fœtus » de l’IVG-isme auto-justificateur, loin d’être perçu comme engendré à partir d’une information qui impose une définition extrinsèque et irréductible à l’information en provenance des gamètes parentaux, sera redéfini, pour les besoins de l’idéologie abortive, en « produit cellulaire de la conception » en passe progressive de formation humaine…

Rappelons au passage que ce que nous appelons « rapports sémantiques », au sens plein, sont les relations de signification entre les mots, les phrases, les signes d’un langage, et le monde de l’information extralinguistique auquel ils se rapportent. Ces rapports déterminent comment se construit le sens à partir de ces différentes catégories d’éléments d’informations.

Plusieurs facteurs contribuent, ensemble, à cette déconnexion du réel caractéristique de l’auto-référentialité sémantique très prégnante en communication politique contemporaine :

  • La réification « magique » des concepts : les concepts abstraits peuvent être traités comme des entités réelles, plutôt que comme des constructions mentales.
  • La circularité du langage de « communication » : les définitions et les concepts y sont définis en boucle auto-référentielle à partir d’autres concepts et éléments de langage de l’idéologie aux commandes.
  • La catégorisation binaire : c’est la tendance, si chère à l’esprit contemporain, à catégoriser le monde en termes manichéens, en « camp du bien » et en « camp du mal », en « vacciné » et en « non-vacciné », en « anti-Poutine » et « pro-Poutine », en « progressiste éclairé » et en « obscurantiste religieux », etc.

Dans un langage idéologique porté par son propre pouvoir communicatif d’auto-référentialité interne, la déconnexion par rapport à l’objectivité référentielle se produit de plusieurs façons :

  • Par assertion sémantique (un prométhéisme distinctement contemporain) : le langage fait constamment référence à d’autres éléments de son propre système idéologique langagier plutôt qu’à des réalités extrinsèques, contraignantes par leur imposition de définitions découlant de la quiddité (ou de la nature) des choses.
  • Par déformation sélective : certains éléments de la réalité peuvent être déformés ou omis à dessein d’adaptation à l’idéologie préconçue. Par exemple, dans le cadre de l’idéologie IVG-iste, le « matériel utérin » conçu « n’est pas un bébé » (on prétend ne pas savoir ce que c’est, puisque l’idéologie préconçue nous oblige à penser qu’il ne s’agit pas encore d’un enfant).
  • Par manipulation sémantique : les mots et les phrases peuvent être chargés de connotations idéologiques qui en détournent leur sens primaire. Par exemple : le terme acronymique « IVG », au lieu de celui d’avortement, tendra à susciter une réaction spécifique chez les auditeurs ou les lecteurs contemporains (qui vont davantage penser à « liberté de choisir », « lutte des femmes » et de leurs « droits reproductifs », etc.), au lieu d’évoquer objectivement la réalité exterminatoire intra-utérine de l’acte spécifique, barbare et inhumain d’avortement.
  • Par circularité logique : les langages idéologiques auto-référents se perpétuent à travers des boucles de raisonnement circulaires. Les idées qu’ils véhiculent sont ainsi justifiées par référence à d’autres idées générées au sein du même système, plutôt que par validation externe (le véritable juge de paix).

L’avortement : une affaire « privée » en recherche de constitutionnalisation ?

Lorsque le lobby pro-avortement commença de s’organiser sous Simone Veil dans les années 70, ses avocats publicitaires s’évertuèrent à promouvoir l’idée de l’avortement comme « procédure légale ». Le caractère essentiellement et intrinsèquement moral de la possibilité même d’une telle procédure ne les intéressait pas (et pour cause). Nous vivons en effet dans un monde où certaines personnes ont le pouvoir de manipuler la légalité[4] afin de substituer celle-ci à la moralité[5]. Contre ceux qui augurèrent que la libéralisation de l’avortement conduirait sans tarder à son usage à grande échelle comme moyen de contraception, les champions de la loi Veil rétorquèrent qu’il ne serait au contraire mis en place que comme recours dans les cas de situations « extrêmes » et « rares » – avec, en vue, sa « légitimation », en définitive infondée, des suppressions abortives d’enfants à naître issus de rapports imposés par la violence du viol.

Statistiques en mains, il n’est pas difficile d’établir que les apologistes de la loi Veil, ou bien se fourvoyèrent massivement, ou, tout simplement, mentirent délibérément. Les données réelles montrent en effet :

1) que les soi-disant « cas difficiles », tels que résultat de viols, ne représentent qu’un infime pourcentage du total des avortements par an en France, autrement dit que la très vaste majorité des grossesses (et des avortements qui s’en suivent aussi tragiquement que frivolement[6]) sont le résultat de relations sexuelles tout-à-fait consensuelles ;

2) que près de la moitié des grossesses non-prévues, représentant près de 25 % du total de toutes les grossesses confondues par an, se terminent par l’avortement[7] ;

3) qu’environ la moitié des avortements par an sont des avortements répétés[8] ;

4) qu’à peine 30 % des grossesses chez les femmes mineures se terminent par une naissance ;

5) que près de 15 % de toutes les femmes entre 15 et 49 ans en France auront au moins un avortement…

Lorsque plus de 600 enfants conçus sont exterminés par avortement journellement en France (près de 3300 aux États-Unis !), on peut difficilement encore parler de « phénomène rare et isolé ». Face à ce constat empirique irréfutable, les champions de l’avortement ont graduellement changé de stratégie pour faire campagne autour de l’idée que l’avortement – quand bien même il est de facto pratiqué comme méthode contraceptive – est une affaire ne regardant que la sphère de la vie privée… Comme si l’on pouvait dissocier un tel facteur du problème collectif de la natalité d’un pays, qui en France continue de s’effondrer ! En outre, si l’avortement n’était réellement qu’affaire de vie privée, sans incidence sur le domaine de l’organisation collective de la société et sur l’identité même que revêt, à terme, une civilisation, pourquoi cherche-t-on aujourd’hui à la constitutionaliser en France ?

Réflexe manichéen : c’est la femme ou l’enfant !

Les partisans du « droit » à l’avortement ont coutume de désunir, pour finir par les opposer, les femmes et leurs enfants à naître. Le résultat de la manœuvre est clair : déshumaniser l’enfant en pleine croissance intra-utérine par l’emploi d’expressions fallacieuses, telles que « amas de cellules » et « produit de la conception ». Ainsi, en pratique, le « fœtus » humain est censé designer un enfant à naître qui n’en serait pas vraiment un, puisqu’il ne serait « qu’un fœtus ». Raisonnement certes absurde, mais tout-à-fait courant. Ce choix manichéen qui opposerait les femmes d’une part et leurs enfants à naître de l’autre instaure une alternative non seulement malavisée, mais franchement trompeuse. Elle n’en est pas moins couramment invoquée par les avocats de l’IVG-isme pour éluder le débat sur l’avortement, à la manière d’une sorte d’argument d’autorité « contre l’obscurantisme des esprits chagrins ».

Trop souvent, compte tenu de l’agenda de nos sociétés aujourd’hui portées à la bienséance abortive, laquelle se complaît dans des clichés médiatiques et des justifications de soi, les médecins conseillent l’IVG parce qu’eux-mêmes ignorent, tout bonnement, l’existence d’autres options ; ou encore parce qu’ils sont poussés à la fois par les vents de l’idéologie dominante, ou encore par la crainte de se voir potentiellement poursuivre en justice pour faute professionnelle.

Si nous parvenions à dépolitiser la question de l’avortement, qui est avant tout une question anthropologique, religieuse et civilisationnelle – parce qu’elle ressort bien, en premier lieu, de l’ordre immanent de la loi naturelle (dans le contexte proprement universel du droit inaliénable à la vie) –, les médecins et autres personnels médicaux seraient, en conscience comme en pratique, plus libres et plus enclins à outrepasser la fausse opposition de la mère « à risque » face à sa propre grossesse, donc face à l’existence même (distincte) de son enfant in utero – selon un cas de figure dualiste particulièrement mystificateur par son invocation surestimée à l’excès par les défenseurs farouches de l’IVG-isme, tant les situations au cours desquelles la grossesse menace réellement la vie de la mère sont, dans la réalité des faits, rarissimes. Cela est tellement vrai, à l’encontre factuelle de la mystification susmentionnée, que les avortements tardifs ne sont jamais médicalement nécessaires. Les césariennes d’urgence sont, ordinairement, la réponse médicale appropriée pour préserver aussi bien la mère que l’enfant à naître.

Dépolitiser cette question fondamentalement civilisationnelle, c’est donc comprendre qu’elle ne saurait jamais se ramener au jeu plus ou moins opinioniste de politiciens et de législateurs, pas plus qu’elle ne saurait jamais se réduire à quelque phénomène évolutif des tendances sociétales. À la physique de l’Univers soumis aux quatre interactions élémentaires ou forces fondamentales de la Nature correspond une physique de l’âme humaine, dont les lois transculturelles constituent le socle implicite et indispensable de toute civilisation digne de ce nom.

Conclusion : le fond anthropo-logique du litige

Si une femme enceinte préfère ne pas devenir parent, quelles qu’en soient les raisons, diverses possibilités d’adoption existent, aujourd’hui comme hier, en lieu et place de la mise à mort de l’enfant conçu. Pourquoi faire de l’IVG, sous le prétexte fallacieux qu’il constituerait une sorte de « droit sacré » en France, la solution préconisée de manière préférentielle aux grossesses non-désirées, au point de l’inscrire désormais dans la Constitution ?

Il nous faut revenir à quelques principes fondamentaux pour bien apprécier les enjeux à la fois anthropologiques et épistémologiques qui sous-tendent la ratification « constitutionnelle » de l’avortement. Les femmes enceintes savent, intimement, que ce qu’elles portent en leur sein n’est autre qu’un petit d’homme, c’est-à-dire un anthropos vivant. La réfutation de la génération spontanée de la vie à partir d’éléments chimiques non-vivants nous oblige à abonder dans le sens du principe rationnel suivant : omne vivum ex vivo (« tout ce qui vit tient son origine de la vie »). Suivant la même logique, pour faire ressortir sous la forme d’un axiome similaire le lien entre l’ontologie et l’obligation de nature morale chez les êtres doués de raison, on dira, précisément à raison : agere sequitur esse (« l’agir suit l’être »). De même encore devons-nous tenir le principe suivant pour irréductible : omnis intellectus ex intelligentia (« toute intelligence tient son origine de l’intelligence »). Comment peut-on raisonnablement asserter et parfois aller jusqu’à croire avec conviction, à moins d’avoir bu à la coupe d’un poison idéologique qui atteint jusqu’à l’usage même de la raison, que l’embryon humain, si minuscule soit-il d’abord, issu de la combination féconde de deux gamètes mâle et femelle, soit lui-même autre chose qu’humain, par tout son patrimoine génétique constitutif, sans rien dire du principe d’animation qui préside déjà à l’usage de ses facultés spirituelles, de ses puissances psychologiques, et de ses cinq sens ?

Quel pourrait bien être le bienfondé rationnel et juste de la discrimination de l’homme sur quelque critère accidentel de taille, d’âge, de conditions de conception, de rapport spatial (extérieur ou intérieur) au ventre maternel, de subsistance socio-matérielle, etc. ? Peut-on bien penser qu’un enfant aura moins le droit d’exister qu’un autre parce qu’il est de plus petite stature ? Que les personnes de grande stature ont plus de valeur humaine que les personnes de plus petit gabarit ? Qu’on sera de quelque manière justifié de lui ôter la vie parce que la pauvreté matérielle semble lui être promise ? On comprend tous, normalement, l’irrationalité et l’injustice foncières de tels critères discriminatoires en matière de détermination de l’humanité d’un de nos semblables. Celle-ci ne réside pas dans les accidents d’existence, mais bien dans la nature de celui qui existe.

Certes, un enfant embryonnaire, d’après sa taille et sa forme, semble, superficiellement parlant, « manquer » en humanité ; néanmoins, dès la conception et au-delà, il possède toutes les composantes informationnelles biologiques (constituées de ses 46 chromosomes propres, une configuration génétique codée irréductible à celles de ses parents) et ontologiques (le substrat métaphysique propre à la quiddité de la nature humaine) d’un membre à part entière de la nature humaine, et non de quelque espèce « intermédiaire » imaginaire. Cette notion de progression dans l’ordre de l’acquisition de la nature humaine n’existe pas, ni en biologie, ni en anthropologie vivante. La science embryonnaire ne souscrit pas un seul instant à cette mythologie « progressiste ». En outre, si l’apparence était un facteur réel de détermination du stade à partir duquel on pourrait déclarer que l’embryon, désormais un enfant à naître, a finalement acquis la nature humaine, alors une poupée ou quelque robot suffisamment réaliste sur le plan de l’apparence humaine acquerrait la stature de membre à part entière de la nature humaine, avant tout enfant en gestation dans le ventre de sa mère. Ce qui est, évidemment, insensé.

Ici, comme ailleurs, l’argument « sacrosaint » d’autorité du « droit de choisir » va être répété avec véhémence, comme un mantra devant lui aussi venir s’inscrire dans ce projet de constitutionnalisation de l’extermination intra-utérine. Le « droit de choisir » ? Or, la question pertinente va relever ici du sens précis qu’on voudra bien se donner la peine de donner au pronom interrogatif : choisir quoi exactement ? Les femmes (remarque tout aussi valable pour les hommes) ont-elles le droit de choisir tout et n’importe quoi, du moment que cela implique et se rapporte à leur propre corporéité ? Est-ce là ce que veut venir entériner une fois pour toutes la constitutionnalisation française du « droit » à l’avortement ?

Or, s’il est établi, comme c’est effectivement le cas sur la base de l’embryologie, de la biologie, de l’anthropologie et de l’ontologie, que l’enfant à naître est bel et bien un être humain, la réponse à la question impliquant le pronom interrogatif « quoi » implique qu’une femme n’a pas, en réalité, le droit de choisir d’éradiquer simplement la vie d’un autre être humain conçu en son sein, lequel n’est absolument pas le corps de sa mère. La mère aurait-elle quatre bras, quatre jambes, deux cœurs, deux cerveaux, etc. ? Sommes-nous devenus à ce point irrationnels et méchants ? Un zygote, un enfant conçu dans son état le plus précoce, soulignons-le de nouveau, est une unité génétiquement distincte du corps de sa mère, avec son propre ADN, son sexe propre, son propre cerveau, son propre groupe sanguin, sa propre structure osseuse – et, au-delà de sa structuration biologique et de tous les aspects qu’elle comprend, son âme immortelle propre animant cette corporéité nouvelle et unique à part entière. Oui, c’est bien le fond anthropo-logique de ce litige autour d’une question a priori « sociétale » qui en détermine les véritables implications civilisationnelles, bien au-delà des petites perspectives parlementaires d’une engeance politicienne complètement à la dérive.

[1] https://www.espaceinfirmier.fr/presse/objectif-soins-et-management/article/n-285/la-vaccination-ou-la-liberte-du-corps-mise-a-l-epreuve-LQ4394360C.html.

[2] On pourra en outre rappeler que le Conseil constitutionnel avait déjà statué, en mars 2017, sur la question du « délit d’entrave à l’IVG », donnant lieu à la modification du Code de la santé publique en cette matière moyennant la promulgation, par Flanby, de la loi nº 2017-347.

[3] Comme a pu au contraire la mettre en lumière le docteur américain, Bernard Nathanson, ancien IVG-iste et avorteur, dans le film documentaire The Silent Scream : https://www.youtube.com/watch?v=gON-8PP6zgQ.

[4] Domaine des données plus ou moins variables du champ juridique.

[5] Domaine des fondamentaux anthropologiques invariables qu’aucune autorité humaine n’est en mesure de modifier de quelque façon réelle – bien sûr, imaginativement parlant, les gouvernements de ce monde ne se gênent pas.

[6] Près de 50 % des avortements en France sont médicamenteux. Les pilules abortives facilitent la désinvolture arrogante (ou simplement irréfléchie) que promeut déjà, à grande échelle, notre « culture » du sujet addictif replié sur lui-même, sur son écran de tablette passant d’un pic de dopamine à un autre pic de dopamine au gré de la satisfaction immédiate (notamment sexuelle) de ses appétits débridés.

[7] Un enfant conçu sur cinq (20%) termine donc sa courte existence dans un sac poubelle ou au fond d’un égout via curetage, aspiration, ou empoisonnement à la mifépristone, la fameuse antihormone RU 486.

[8] C’est à dire que plus une femme a avorté, plus élevée est la probabilité qu’elle avortera de nouveau.

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